Papiers peints du Monde
Flottant
Février 2015
Des amis m'ont offert, en période de
Noël, deux blocs de papiers. L'un est de format A3, c'est du
Bristol ; l'autre est du papier plus texturé, d'un format
légèrement plus petit. Les deux sont blancs, massicotés, angles
droits impeccables, reliés à la colle.
Je les range à l'atelier, parmi mes
supports de récupération, à la géométrie plus flottante, aux
surfaces accidentées. Ces supports-là sont aussi en attente. Un
faisceau de circonstances favorables que seule l'intuition appréhende
me font choisir tel ou tel support/objet qui me semble alors
tout à fait nécessaire : la réflexion est minimale, fugace, les
gestes sûrs, l'examen sensible.
Assis à quelques 50 ou 100 centimètres
d'un petit plateau de théâtre éphémère – une caisse retournée
sur une chaise d'école – , j'y pose mes objets sortis des caisses
« cailloux, plantes, crapauds, grenouilles, os... »,
règle la lumière : tout va de soi, impeccablement. Le hasard
propose un jeux collaboratif.
Feutres à encre de Chine ou pinceaux,
je dessine sans pause, jusqu'à ce qu'un sentiment d'épuisement et
de satiété s'installe.
La musique participe activement à ces
temps-là : At the driving, Kristin Hersh, 50 Foot Waves,
Shannon Wright... Parce que c'est beau et bon...
Gathe est souvent avec moi à la cave.
Elle regarde le dessin se faire, questionne parfois. S'exerce à la
réalisation de quelques motifs : sublime. La musique un peu
trop forte lui convient.
Aucun doute.
Je me dirige vers une étagère où je
vais rarement : j'y prends un pot d'antirouille gris, un vernis
jaune (d'où viennent-ils, depuis quand sont-ils là, pourquoi eux ?)
et j’étale, écrase, absorbe. Le noir profond c'est de l'huile,
noir de mars ; un bol à l'acrylique Lapis lazuli
façon fête foraine ; des roses et des verts à l'huile viennent
salir les jaunes et les gris.
Dans l'action je pense à Edgard
Degas : « La peinture est un prolongement du dessin »
(citation approximative). Autrement dit : la peinture
intervient si le dessin n'est pas satisfaisant, par
nécessité.
J'agis sans repentir : tout se
place tranquillement et c'est sans relâche que je produis 50 dessins
durant ce mois de février 2015.
50 planches, 50 pages, 50 papiers
peints.
Je n'en connais pas la signification.
Je vis mon présent avec satisfaction, je n'attends rien, chaque
seconde est égale.
J'en déchire 3 ou 4 qu'il aurait fallu
retaper : je ne retrouve pas le fil.
Je cherche un ordre interne, une
continuité, tous deux également illusoires et inutiles.
Les choix de l'accrochage ce feront
comme par hasard et in situ...
Punaises translucides.
Le vernissage eut lieu en compagnie de
copains, d'inconnus et de Paul Rogers qui nous gratifia d'une
improvisation magistrale de sa contrebasse à 7 cordes soutenue par
les voix et les chahuts des enfants présents – à l'Austral, au
Mans.
L'Austral - Le Mans - Papiers peints du Monde flottant - Détail |
Paul Rogers Trio Whahay :
http://freddymorezon.org/groupes/4-Whahay/Whahay.php
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