Tout supplice porte en lui, à son plus haut degré,
l’esthétique qui lui est contemporaine.
Tout supplicié porte sur lui les stigmates atroces d’une
esthétique. Il catalyse un programme esthétique foudroyant. La sinistre
cérémonie du supplice fait miroir insolent à la société dans laquelle le
supplicié subit ses outrages.
Il est l’avènement de la mort.
Il est le "work in progress" de la mort.
Travail en cours.
L’invention savante et l’improvisation calculée y sont
maitrisées, comme dans tout travail de création. Les peintres ne s’emparent pas
de ce sujet que par goût du macabre ou pour plaire aux bourreaux… La
fascination nait de cette synthèse de la connaissance intime de l’homme par
l’homme. C’est une représentation in vivo de l’image que se fait l’homme de son
âme. Qu’est-ce que l’âme ? Où se cache-t-elle dans cette amas de chair
désormais muette dans son engourdissement de douleurs ? La chair de ce
non-être l’a-t-elle vomie ? L’a-t-on perçue virevoltante de terreur dans
le fond incandescent de son œil ? Tout cela est aussi inutile que de
chercher à maitriser l’avenir ou le devenir d’une langue.
Ces images nous collent à la peau ; poisse de
l’héritage. On se les refile sans crier gare de génération en génération, de
peuple à peuple, de peintre à peintre.
On met toujours le même raffinement dans la question.
Les réponses s’énoncent en énigmes douloureuses,
silencieuses, précises. Leurs durées de vies durent le temps du regard qui s’y
pose ; une chaîne qui friquotte sans vergogne avec l’éternité…
Chaque massacre collectif nouveau éclaire nouvellement
l’histoire.
Les peintres détiennent la sonde de l’histoire de l’âme
humaine.
Alain Leliepvre
Commentaires