EXPOSITION DU 8 NOV. AU 31 DÉC. 2012
HÔTEL DE VILLE D’ALLONNES (72)
Omnia vincit amor
Et nos cedamus amori
De tout triomphe l’amour
Et nous aussi cédons à l’amour
Virgile
(Églogue X,v.69)
Voici 5 ou 6 mois que je ne peins plus, que je ne « fais » plus.
Je reste au bord du désert, ébahi.
Vide à me demander quel rôle, quelle place avait dans ma vie cette peinture, comme si je l’avais quittée depuis 5 ou 600 ans.
Depuis je range mes travaux : dessins, peintures, objets, outils, matières premières, etc. Un soubresaut.
Ranger c’est créer : maintenir un certain ordre, son ordre, à l’encontre des tourments et des tumultes.
J’ai
vidé les malles et je me suis fait juge de mon propre travail. Quelques
secondes parfois suffisaient à l’examen de certaine pièce. J’emportais à
la déchetterie des monceaux de bois, toiles, cartons, papier, objets,
etc. ; ruines d’un temps que je connaissais plus.
L’échéance
de cette exposition pointait son nez, presqu’en ricanant. Quel sens
donner à une exposition aujourd’hui ? Mes expositions ont toujours eu un
caractère de bilan ; le bilan est parti aux ordures.
Il
me reste encore des pièces, bien sûr (1/4, toutes époques confondues)
et j’aime cette réduction. Quoi qu’il arrive nous laisserons des traces.
Je laisserai des traces, aussi minimes soient-elles, je souhaite
qu’elles n’ajoutent rien à la laideur du monde – vanité de l’orgueil.
Je hurlais dans mon désert et je continuais à ranger, à organiser un nouvel atelier.
Je me conduisais comme si la peinture allait revenir, inéluctablement.
Cela
agit comme des vases communicants : la peinture s’absente, la
photographie devient majeure. La photographie constate, range, archive.
J’ai photographié la quasi totalité des travaux qu’il me reste. Certains
sont partis à la poubelle après cette ultime épreuve, d’autres sont
dans l’attente d’un nouvel examen.
J’ai photographié également une longue liste de matériaux : « ma collection…
» Même processus que pour les travaux… Coquillages merveilleux,
ossements secs comme du bois, tibias de bœuf sciés encore graisseux,
pommes de pin aux spirales à perdre pieds, chaises, outils de métal noir
mat, tissus imprimés, tissus militaires, drapeaux, lambeaux &
haillons, papiers et cartons sortis des caniveaux, déchets multicolores
des fêtes urbaines, insectes séchés au soleil, éclatant encore de toute
leur légèreté, végétaux étranges (…) : le merveilleux contenu dans
chacun et dans cet ensemble ne m’échappait plus. Le doux délice de
l’étonnement qui raisonne si fortement en moi est une partie majeure du
processus créatif.
Dans
le creux de ma main le petit crâne de hérisson coiffé maladroitement de
ses épines de roi m’invite aux confins des mondes dont nous nous devons
de rêver : little bang !
De
l’espace ! J’ai besoin d’espace ! d’air ! de vide ! L’espace inoccupé
est un luxe auquel je n’atteindrai jamais… j’en ai bien peur…
Classant
tout ainsi, j’ai retrouvé, non sans effort, quelques fondamentaux,
quelques sujets de mes obsessions de peintre (d’humain).
C’est dans cet état esprit, avec ces préoccupations ménagères, que j’ai construit cette exposition « Omnia vincit amor », dans les salons de l’Hôtel de Ville d’Allonnes.
Je
n’ai pas cherché une cohérence dans cet ensemble. J’ai cherché à
provoquer des résonnances de part en part. Je suppose que mes obsessions
se chargent du reste…
Alain Leliepvre
Oct. 2012
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