Hoc Pixi se meure


L'exposition « Hoc Pixi » qui se clôturera le 25 février à l'Hôtel de Ville du Mans (à midi pile, attention aux escaliers) est, du point de vue « professionnel » uniquement, un fiasco. Pas de contact. Pas de lien. Pas l’ombre d’un début de réseau, pas même un fil, un truc.

J’entends par « professionnel » la dimension économique et sociale de mon travail.

Je rappelle que je ne fais que « ça », à longueur d’heures.

« Ça » : l’art. Je m’occupe d’art.

« Et à part " ça " vous faites quoi ? »

Il y a comme une gêne, en général, chez mes interlocuteurs lorsque ma réponse trébuche : « ben, non, je ne fais que " ça " ». Ma réponse a l’air obscène, pornographique, impudique, ou je sais quoi du genre. Les regards fuient et/ou ricanent et/ou se baissent au plus bas qu’ils le peuvent.

« Ça » est donc si grave, si inopportun, si « à côté ».

Se préoccuper d’art 24 heures sur 24 est mal, ou rend mal à l’aise.

Si, il y avait un contact sur le fumeux livre dit d’or : une galerie marseillaise. C’est un directeur de 3 écoles de Beaux-arts qui l’a inscrit. La galerie me répond qu’elle est « over bookée » (sic) jusqu’en 2015 mais qu’elle a eu un vrai plaisir à découvrir mon travail. Soit. Je réponds qu’après tout on peut faire le pari d’être tous là encore en 2015, etc. & je demande des conseils. Nouvelle réponse de la dite galerie : « …aller voir un psy ??? » (sic). Et c’est tout. C’est bref et efficace.

L’ensemble de cette chouette exposition, donc, du point de vue strictement « professionnel » est assez douloureux, mine de rien.

Comment je bouffe ? Comment je paie mon loyer ? Merde.

Mais ce n’est pas neuf, tout ça. Ni pour moi, ni pour beaucoup d’artistes, d’aujourd’hui et du bon vieux temps de jadis. (Je dis « artistes » pour poètes, peintres, musiciens, etc.)

L’art m’a pris enfant.

Né dans une famille d’ouvriers, rien n’était prévu pour un tel dérapage culturel.

Enfant je dessinais donc comme un malade. Á la maison il n’y avait pas de livres, pas de musée dans mon bled, mais une belle zone industrielle. C’est là que je devais aller. Ou curé, ça aurait bien plu. Sauf que l’art s’était tout immiscé dans la moindre particule de mon être.

D’ailleurs je ne parlais pas d’art, mais de dessin. Je serai donc dessinateur.

C’est un peu l’école (je me souviens d’une femme pleurant de Picasso, une vignette de 3x4 cm. en CM1. Elle illumina toute ma vie) et surtout la télévision, fin des années 70 : André Malraux et puis Jean-Marie Drot et puis Georges Duby m'ont éclairé. Tous de bons maitres et bons transmetteurs. Oui, je ne fais que « ça », depuis donc quelques décennies.

Depuis je pioche pour comprendre.

Passage par les Beaux-arts : 5 ans tranquilles à ne bouffer que de l’art.

L’art ne m’a jamais fait manger directement : la pédagogie de l’art, oui (Éducation Populaire).

Aujourd’hui je ne suis plus capable de faire de la pédagogie sauvage comme je le faisais durant une dizaine d’année. Je travaille donc sans cesse à l’atelier, chez moi, etc. Vive le RSA !

Il n’y aura donc jamais une galerie (une vraie, une qui aime l’art et ses artistes et qui veut bouffer avec ça), un critique d’art qui s’amusera à écrire sur mon travail, qui me proposeraient leur soutien.

Et merde. Je sais cette note stérile et absurde.

Mon travail va bien.

Mes cactus semblent survivre.

Il me paraît impossible de faire de l’art à temps partiel.

Suite à quelques commentaires, quelques "précisions" :

Il ne s'agit pas d'opposer bon goût et mauvais goût... à moins de chercher le consensuel, d'étudier les statistiques et de concevoir l'oeuvre d'art comme un produit qui doit plaire (ce n'est pas pour rien si l'art contemporain se confond de plus en plus avec le design). J'oppose produit et oeuvre d'art, bien sûr. L'artiste ne sait pas où son travail l'emmène.(J.L Godard : "Il y a ceux qui font des films et ceux qui font du cinéma". On pourrait transposer ainsi : il y a ceux qui font des tableaux et ceux qui font de la peinture. Je prétends faire de la peinture comme Cavalier fait du cinéma.)

Mon travail, notamment par le biais de cette exposition, obtient une reconnaissance institutionnelle et rencontre un public. Invité par une autre Ville, j'expose prochainement, encore une fois dans un hall de mairie consacré à l'art.

Oui, bien sûr qu'il s'agit de rencontres. Et là l'artiste n' a pour rôle que de tenter de diffuser son travail, d'en être l'agent et ne peut guère agir autrement. Le manque est là, juste là : la rencontre avec des professionnels de l'art (est-ce que ça existe ça, d'ailleurs ?).

De mon côté, les artistes que je connais qui s'en sortent économiquement donnent des cours et pour la plupart finnissent par abandonner plus ou moins leur travail d'artiste. Ce que je ne peux pas faire.

Le RSA est absolument vital. Dans beaucoup de pays européens, les artistes plasticiens sont rémunérés par jour d'exposition. J'ai proposé lors d'un vernissage à l'élu qui représentait la Ville du Mans que celle-ci soit pionniaire en la matière.

Notons au passage que les plasticiens n'ont pas de statut en France. Le artistes du spectacle vivant en ont un. Là aussi, ceux que je connais déclarent dans leurs activités artistiques, par exemple, le montage de guirlandes électriques dans les galeries marchandes.La peinture n'est pas un spectacle vivant.

Au XVIIème on parlait du "regardant" et non pas du "spectateur" devant une oeuvre d'art plastique.

Il y a des particuliers fidèles qui collectionnent mes boulots. Peu et rarement et le prix est à leur convenance. Je hais la spéculation.

Et je ne pigne pas, loin de moi cette attitude. Je cherche une main sensible et puissante... râaâaâhhh

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